Vélo et Design : Nicolas et Franck, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Nicolas : j’ai 40 ans et je suis le responsable production de chez Pragma Industries. Je m’occupe de la mise en production des piles à combustible et des systèmes qui intègrent nos solutions. Ca fait 7 ans que je travaille dans cette entreprise et je suis un passionné de vtt depuis 30 ans.
Franck : j’ai 30 ans et je suis designer/concepteur produit indépendant. Mon activité s’apparente à celle d’un bureau d’étude mécanique et celle d’une agence de design : étude design, étude mécanique, conception et modélisation 3D, accompagnement et suivi production. J’interviens exclusivement auprès de professionnels et essentiellement dans le domaine de l’industrie, du mobilier, de l’agencement et de la communication (plv/vitrine).
Mon but est d’accompagner mes clients sur toute la phase de développement produit. Mon travail commence donc dès la rédaction du cahier des charges. S’enchaine ensuite différentes étapes : réalisation de croquis pour validation design, conception et modélisation 3D, prototype numérique (images de synthèse), édition des plans de production, prototype physique, suivi fabrication… Quelques exemples sur mon site.
Nicolas, peux-tu nous parler de Pragma Industries, entreprise dans laquelle tu travailles ?
Pragma Industries est une société spécialisée dans les piles à combustible depuis 15 ans. Nous sommes aujourd’hui 10 personnes. Nous produisons nos propres systèmes et nos piles à combustible. Nos secteurs d’activités sont la recherche, les générateurs électriques nomades et la mobilité avec notre vélo à Hydrogène ALPHA.
C’est sur ce dernier point, que depuis 2015, nous nous sommes le plus orienté en produisant et en mettant en vente le 1er vélo électrique à pile à combustible.
Comment est venue cette idée de vélo électrique à hydrogène ?
L’idée est venu en 2012. Nous voulions faire un démonstrateur avec une pile à combustible et nous avions choisi le vélo car c’est un produit que tout le monde connaît et qui avait un sens concernant la mobilité.
L’idée a germé au fur et à mesure des présentations et nous avons remarqué que ce produit plaisait beaucoup et qu’il pouvait y avoir un marché. Nous avons eu une commande d’une dizaine de vélos en 2015 et ça a été le déclencheur pour réaliser une plus grosse production et se lancer dans l’aventure du vélo.
Quelles ont été les contraintes pour la réalisation de ce projet ?
Nicolas : la première contrainte était de faire un vélo où l’on cacherait toute la technologie dans le cadre. Fini les vélos du marché bricolé, on voulait faire un vrai vélo avec une vraie identité. Intégrer un système avec une pile à combustible, un moteur et un réservoir n’était pas facile. Du coup nous sommes partis d’une feuille blanche et nous avons tout dessiné en interne. Et c’est là que Franck intervient.
La seconde contrainte était l’accès à l’hydrogène. Nous nous sommes donc rapprochés de fabricants de bornes de recharge en hydrogène.
Notre offre comprend donc un lot de vélos et une borne de recharge à la vente ou bien à la location. C’est pour cela, qu’à l’heure actuelle, l’offre n’est accessible qu’aux professionnels et malheureusement encore pas au grand public. Mais nous travaillons sur cela pour rendre accessible cette technologie au plus grand nombre de personnes car nous avons de la demande.
Franck : concernant la partie développement/design produit, la grosse contrainte était d’intégrer tout le système que nous avons développé spécialement pour le rendre le plus compact et le plus « intégrable » possible. L’idée était de disposer les éléments de manière à obtenir une architecture adaptée à tous les types d’usagers avec une hauteur de passage de jambe le plus bas possible. Cette architecture nous a également permis de proposer 2 configurations de cadres à partir d’une base commune. Finalement la partie design/style a vraiment été conditionnée par l’encombrement et le positionnement des composant et plus particulièrement la bouteille. J’avais une vague idée de l’orientation « stylistique » au début du projet, mais c’est une fois la partie architecture mécanique plus ou moins terminée que j’ai pu rentrer dans le vif du sujet (sur le design).
Franck, comment s’est déroulée cette collaboration ?
Très bien ! Ce fut un véritable travail d’équipe car tout était à créer.
J’ai eu la chance de pouvoir travailler librement sur le projet avec toute la confiance de l’équipe Pragma.
Au début du projet je n’avais aucune connaissance de l’hydrogène, ce qui a rendu le projet d’autant plus intéressant pour moi. J’ai eu la chance d’apprendre une nouvelle techno, de travailler sans réelles contraintes (hormis les contraintes techniques), sur un projet nouveau et innovant avec une équipe au top. Que demander de plus ?!
Qu’est ce qui différencie Alpha d’un autre VAE ?
Nicolas : le vélo est composé d’un réservoir d’hydrogène, d’une pile à combustible et d’un moteur pédalier électrique.
La principale différence est le temps de recharge. Grace aux bornes de recharge, on fait le plein du réservoir d’hydrogène en 1min et on repart avec une autonomie comprise entre 100 et 150km. Ca fait que le vélo est tout le temps disponible.
La durée de vie d’une pile à combustible est beaucoup plus élevée qu’une batterie et les matériaux qui la compose sont recyclable à plus de 90%. Le froid n’a pas d’incidence sur l’autonomie du vélo.
Actuellement, le vélo est un peu plus lourd qu’un vae classique car nous avons favorisé la robustesse des composants (cycles et techniques). A l’arrêt le poids se ressent mais une fois qu’on roule, grâce à un travail sur la répartition des masses, il se comporte comme un vae classique et est très agréable à conduire.
Le prix est plus élevé car la technologie coûte cher et nous sommes sur une toute petite production. Nous savons que lorsque les volumes de ventes vont augmenter le prix de vente va baisser et c’est l’une de nos priorités pour 2020 et 2021.
Franck : à première vue pas grand-chose, un cadre un peu volumineux certes. A l’usage rien de différent à part le moyen de charge. La grosse différence se fait sur le temps de charge et l’autonomie qui dépasse celle des batteries traditionnelles. La technologie embarquée doit être totalement (ou presque) transparente pour l’utilisateur.
Quelles sont les suites de ce projet ? D’autres modèles (et donc collaborations) à venir ?
Nicolas : la suite est de faire évoluer notre produit pour le rendre plus accessible et plus économique, baisser le prix de vente. Nous travaillons sur un nouveau modèle beaucoup moins cher. Aussi, Nous avons beaucoup de demandes à l’étranger et ce sont des pistes que l’on explore avec grand intérêt.
Nous travaillons aussi sur l’intégration de notre système dans d’autres vélos ou d’autres véhicules légers comme des triporteurs.
Franck : nouveau modèle oui, moins cher également mais sans pour autant mettre le design de coté. Moins cher ne veut pas dire bas de gamme et sans style.
A l’avenir, comment l’hydrogène peut faire sa place dans le secteur de l’électrique, et notamment pour les VAE (disponibilité, tarif) ?
Nicolas : nous sommes au début de l’utilisation hydrogène comme source d’énergie. Nous nous confrontons au même problème que les véhicules électriques : les bornes de recharges. Pour l’instant il y en a très peu mais ça commence à se développer grâce à des régions et des villes qui sont moteur et qui sont convaincues par la technologie (la région de La Manche ou la ville de Chambéry par exemple)
On voit que l’intérêt grandit pour cette technologie que l’on peut intégrer dans beaucoup de produits (drone, voiture, bus, sites isolés, zones sans électricité,…). Il y a déjà des secteurs d’activité dans lesquels on travaille déjà et qui se développent depuis quelques temps (chariot élévateur, bus, alimentation de bâtiment, voitures)
Nous avons produit 100 vélos en 2017, 200 vélos en 2019, et on espère beaucoup plus, entre 500 et 1000 pour 2021
Actuellement le prix de vente est de 7500€ HT. Nous travaillons pour atteindre notre objectif d’un prix de vente de 4000€/4500€ pour 2021.
Sur quel(s) vélo(s) roulez-vous ?
Nicolas : je pratique le vtt depuis l’âge de 9 ans.
Je roule sur un Santa Cruz Nomad de 2012 et je restaure des vieux vtt (Sunn Radical de 1995, Specialized fsr dh de 1999, Cannondale Gemini…)
Franck : je ne suis pas un grand pratiquant mais je roule sur un GT Avalanche
Pour conclure : voulez-vous dire quelque chose aux lecteurs de Vélo et Design ?
Nicolas : j’espère que ce design de vélo donne envie de l’essayer et de rouler avec et que notre objectif de cacher la technologie est réussi.
Franck : le Style ? On aime ou on déteste. A vous de juger, pour ma part j’ai quand même une préférence sur la version « MTB ». J’espère que vous aurez l’occasion de rouler et de tester un Alpha !
Cocorico ! Si nous avions déjà évoqué le vélo à hydrogène ici, Pragma Industries semble aller plus loin, et surtout de façon plus concrète avec son modèle Alpha. Ce VAE innovant possède une excellente autonomie tout en étant bien équipé pour la ville (éclairage, garde-boue, porte-bagages…). Évidemment, cette technologie de la pile à combustible à hydrogène reste rare mais sera sans doute amenée à se développer dans les années à venir. A voir comment le marché évoluera, et en terme de tarifs également…
D’ici-là, découvrez le projet Alpha plus en détails sur le site de Pragma Industries.