Pour une fois, on ne va pas parler de mobilier urbain, mais bien d’un concept dédié exclusivement au trafic des vélos : les pistes cyclables « aériennes ». Prenons de l’altitude et commençons par un état des lieux des architectures existantes.
Des ponts et ronds-points aériens cyclables…
Cycle Snake
C’est le cas de ce « serpent pour vélos » construit entre 2010 et 2012 à Copenhague (Danemark).
Mesurant 230m de long, ce ruban orange conçu par DISSING+WEITLING architecture surplombe une zone commerciale où se déplacent nombre de piétons : un tel « vélopont » permet ainsi une circulation plus fluide pour tous.
A double-sens, il est par ailleurs pensé suffisamment large pour accueillir des vélos cargo :
Selon Fast Company, six autres ponts dédiés aux bicyclettes seraient prévus pour faciliter le quotidien des cyclistes de la capitale danoise, dont plus de 50% des habitants utilisent le vélo pour se rendre au travail.
Hovenring
Après le Danemark, l’autre pays du vélo : la Hollande, et plus précisément Eindhoven.
Ce rond-point aérien cyclable de 72m de diamètre au centre duquel un pylône de 70m de haut s’élève domine là encore un carrefour routier important. Marquant l’entrée des villes d’Eindhoven et de Veldhoven, cette infrastructure gigantesque semblait la meilleure solution face à l’évolution architecturale environnante et à l’accroissement du trafic.
Conçu par l’agence ilv Delft, Hovenring (anneau des Hovens, en référence à la région) a ouvert en 2012.
Ce modèle est remarquable dans sa forme mais d’autres tout aussi spectaculaires ont vu le jour auparavant : notons ainsi le « rond-point » de Tjensvollkrysset en Norvège, accessible depuis 2010 et celui réservé aux piétons situé à Lujiazui en Chine.
Les passerelles mixtes piétons-cyclistes
Images 1 et 2 : Peace bridge à Calgary (Canada), longue de 126m
Image 3 : Melkwegbridge à Purmerend (Pays Bas)
Images 4 et 5 : passerelle au pays basque espagnol
Images 6 et 7 : Quay Bridge à Copenhague, long de 190m
…aux concepts d’autoroutes aériennes pour vélos
Velo-city
Imaginé pour la ville de Toronto en 2004, Velo-city consiste en une structure surplombant la ville composée de deux tubes transparents (un par sens de circulation). Fermés, ils favoriseraient le déplacement qui ne serait plus influencé ni par le vent, ni par les intempéries : de quoi rouler au sec – au chaud ? – et avec facilité toute l’année (il ne faut pas être claustrophobe !).
L’accès s’effectue via une rampe, en espérant une gestion des flux de cyclistes favorisant l’insertion de ceux-ci. On constate par ailleurs dans la première image un panneau avec destination et indicateur de correspondance avec d’autres moyens de transport, signe que la multimodalité a été pensée de manière globale.
Melbourne B1 Veloway
Après le Canada, bienvenue en Australie !
B1 Veloway est un concept proposé en 2012 par Victorian Cycling Network, ensemble d’ingénieurs et d’architecte de la capitale. L’idée ? « Clipser » une piste cyclable le long d’une voie de chemin de fer aérienne reliant deux gares. Un tel projet permettrait aux cyclistes d’éviter six intersections routières importantes, gage de tranquillité.
Longue de 1,7km, cette « vélotoroute » comporterait des panneaux solaires pour alimenter cette infrastructure en énergie (éclairage, points d’urgence). Un projet à suivre…
SkyCycle
Similaire à Velo-city et soumis début 2014 par l’architecte anglais Norman Foster, SkyCycle se base lui sur les infrastructures ferroviaires existantes à Londres pour proposer 220km de pistes cyclables (ouvertes cette fois).
Deux cents points d’accès permettraient d’accueillir jusqu’à 12000 cyclistes par heure en leur faisant gagner près de 30 minutes sur un trajet équivalent en voiture… Le concept est même chiffré : il en coûterait ainsi 365 millions d’euros pour une construction étalée sur 20 ans.
Un projet qui pourrait concerner 6 millions de cyclistes urbains !
Deux ans auparavant, un autre projet « d’autoroute-tunnel » avait été imaginé par Exterior Architecture (qui travaille avec Norman Foster pour le projet SkyCycle), utilisant lui aussi le réseau ferroviaire londonien déjà présent pour des dépenses moindres. Un péage aurait même été évoqué…
Les pistes cyclables aériennes, une bonne idée ?
Un peu d’histoire
Il faut savoir pour commencer que l’idée n’est pas nouvelle !
En effet, l’image ci-dessus date… de 1900. La California Cycleway devint accessible cette année-là, reliant Pasadena à Los Angeles avec un droit de passage de 10 cents. Quatre cyclistes pouvaient rouler de front sur ce pont cyclable de bois peint dans un vert foncé luminescent la nuit. La ligne de chemin de fer proche entraîna son démantèlement quelques années plus tard.
Avantages et inconvénients
Au vu de ces projets, on pourrait résumer brièvement les pistes cyclables aériennes ainsi :
[box type= »tick »]sécurité : des pistes isolées de la circulation et des piétons assurant la tranquillité de chacun[/box]
[box type= »tick »]rapidité : relier un point A à un point B facilement, évitant feux et congestions de trafic croissantes[/box]
[box type= »tick »]plaisir : la route pour soi, et en hauteur… ou une autre façon de profiter de la ville[/box]
Mais avec la venue de ces concepts d’autoroutes cyclables, on est en droit de se poser quelques questions :
[box type= »alert »]investissement ? Souvent important pour les villes avec des temps de chantier de plusieurs années + entretien[/box]
[box type= »alert »]responsabilité ? Que se passe t’il en cas d’accident, notamment si un nombre important de cyclistes est présent ? [/box]
[box type= »alert »]légitimité ? Plutôt que de partager la route, on « exclut » les cyclistes tout en prônant la vitesse[/box]
L’utopie cyclable
Ces constats peuvent paraître simplistes tant l’aménagement de l’urbain est complexe et fait l’affaire de spécialistes.
Pour autant, il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte que la population cycliste grandit, chaque jour, et les projets mis en avant au sein de ce blog démontrent que le vélo devient toujours plus éclectique, permettant de s’adapter à tous les besoins, à toutes les personnes parce que chaque pratiquant est différent.
De telles infrastructures faciliteraient-elles leurs déplacements ? Avec quelques inconvénients…
Ces autoroutes cyclables, et notamment SkyCycle ont fait couler beaucoup d’encre. Pour le journaliste Olivier Razemon, c’est une fausse bonne idée; pour Mikael Colville-Andersen de Copenhagenize carrément une idée ridicule.
Les arguments ? Un coût exorbitant d’une part, mais surtout une déconnexion face à la réalité de la ville. Parquer les cyclistes sur une voie au-dessus du flot de la circulation, c’est aussi les couper de la vie, en bas. C’est oublier qu’ils y participent, aussi, au travers des commerces et des services dans lesquels ils peuvent se rendre sur leur bicyclette. C’est également faire fi du travail des urbanistes qui composent avec toutes les formes de mobilité qui se multiplient et avec lesquelles ils jonglent pour faciliter la multimodalité. Et, par cette symbolique consistant à prendre de la hauteur (ou prendre de haut…) en reprenant les codes des autoroutes pour voitures, voici sans doute un bon moyen de s’attirer une fois de plus les foudres des réfractaires au vélo.
Le cycliste est un piéton sur roues. Mikael Colville-Andersen
Reste que l’idée est séduisante… si l’on veut rejoindre des points stratégiques d’une ville. J’habite en périphérie et souhaite me rendre en centre-ville pour mon travail, hop je m’élève au-dessus de la mêlée, profite du soleil levant et arrive sans encombre et en un minimum de temps au bureau. Facile !
Difficile en revanche de prendre une position distincte sur ce sujet car trop de paramètres à prendre en compte. La majorité de ces pistes cyclables aériennes présentées ici sont situées dans des capitales qui ont toutes leurs spécificités, architecturales, urbaines, sociales. Les concepts eux-mêmes sont différents, s’intégrant sur des éléments existants ou étant à créer de zéro, chacun au coût prohibitif et à faire accepter dans le paysage par ailleurs. Un moyen politique pour ces villes, et donc ces pays, de se justifier en annonçant LE projet urbain pour les vélos ? Après tout, pourquoi pas !
Pas avant quelques années en tout cas, ni peut-être pour tous, si un péage s’applique.
En attendant qu’une de ces municipalités se lance, la meilleure réponse réside sans doute dans le partage plus équitable de la route pour des villes plus agréables à vivre, saupoudré de pédagogie et de courtoisie.
Sinon, on peut toujours creuser un tunnel… ou utiliser un monorail !
Et vous, quel est votre ressenti face à ces projets / infrastructures ? Aimeriez-vous prendre de la hauteur sur votre monture ?